Les transformations des métiers de la finance. Interview de Constance Cellard, Consultante en Recrutement finance chez Co-Efficience
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Co-Efficience : Quelles sont les nouvelles transformations des métiers de la finance ?
Constance Cellard : Selon moi, il y a deux sujets qui posent question aujourd’hui.
D’abord, il y a la digitalisation des métiers de la finance, avec l’émergence d’ERP de plus en plus puissants, autonomes et agiles qui permettent de faire un certain nombre de tâches auparavant allouées à des personnes. Ces nouveaux outils changent les métiers : ceux qui faisaient du data-crunching sur des tableaux Excel vont maintenant faire de l’analyse poussée sur les chiffres de l’entreprise. Les grands ERP, tels que SAP et Oracle, vont permettre d’extraire les chiffres en appuyant sur un simple bouton. Les compétences deviennent donc plus techniques.
Ensuite, le changement de statut de la fonction est le deuxième sujet qu’on voit apparaître en finance. Auparavant, être financier était perçu comme un métier fonction support, en bout de chaîne, dont le but principal était de comptabiliser les opérations. Aujourd’hui, même si le terme parait galvaudé, c’est vraiment des « Business Partner » ; c’est-à-dire que les structures ont remis la finance comme étant un organe de stratégie de décision. Quand tu as un projet, tu inclus la finance d’entrée de jeu car elle va te donner des outils de pilotage sur les frais que cela va engendrer. Dorénavant, la finance permet d’optimiser le projet du début à la fin.
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C-E : Et qu’est-ce qui a fait que la finance a pris ce tournant-là ?
C-C : En fait, les patrons se sont rendu compte de l’utilité que pouvait avoir une personne ayant une vision assez transverse de ce qui pouvait se passer dans l’entreprise. A partir du moment où tu connais les flux comptables d’une boîte, tu peux tout anticiper sur les projets : tu connais tous les coûts, les salaires de chacun… C’est aussi pour ça que c’est le bras droit de la DG. Tout transite à un moment ou un autre par la finance, que ce soit les flux entrants ou les flux sortants. C’est l’intégralité de la fonction qui est en train de changer grâce à ce nouveau statut de Business Partner et surtout, grâce aux nouveaux métiers.
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C-E : Justement, quelles sont les nouvelles fonctions qui émergent dans le secteur de la finance et à quoi cela est-il dû ?
C-C : Le contrôleur de gestion, qui épaulera la fonction de comptable, est capable d’apporter une analyse sur les chiffres qui ressortent et de proposer une solution aux problèmes financiers. Plus concrètement, analyser et contrôler la santé financière d’une entreprise puis établir des prévisions à court et moyen terme feront partie des missions du métier de Financial Planning & Analysis Manager. Quant à l’expert-comptable, il existera toujours et officiera seulement dans les PME qui ne veulent/peuvent pas prendre un contrôleur de gestion. Avec les logiciels et solutions Big Data qui prennent de plus en plus d’ampleur, le métier de Manager Business Intelligence va progressivement intégrer les entreprises. A contrario, les postes de saisie vont disparaître au profit des ERP, c’est certain.
En résumé, les nouvelles fonctions qui émergent sont dû à la transformation des métiers, elle-même dû à la digitalisation de la fonction. Pour aller plus loin, je dirais même qu’on va voir éclore dans quelques années des nouveaux profils qui vont tendre vers la digitalisation comme aujourd’hui c’est le cas avec l’apparition de nouveau poste comme Chef de Projet IT/Finance par exemple.
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C-E : Quelles compétences faut-il avoir aujourd’hui pour exercer dans la fonction finance ?
C-C : C’est la jeune génération qui va apporter des nouvelles compétences : ils seront aussi à l’aise avec la matière financière qu’avec la matière informatique.
Il y a aussi le fait que sur les jobboards, tu vois de plus en plus de profils de « Consultant Finance ERP ». Ce genre de spécificité est dorénavant très recherché : les personnes possédant des compétences précises et une capacité d’analyse à toute épreuve deviendront les cibles prioritaires des recruteurs. On attendra d’eux qu’ils soient très autonomes et agiles sur tous les outils et logiciels possibles.
Et enfin, en termes de softskills, le nouveau financier devra être hyper curieux en plus d’être capable d’aller travailler au plus proche du terrain et pas seulement derrière un bureau.
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C-E : Est-ce que tu penses que l’image de la fonction finance peut changer dans la mentalité des gens ?
C-C : Il est certain qu’il existe un réel désamour de la finance, qu’on a d’ailleurs beaucoup pointé du doigt dans les différents scandales ces vingt dernières années. Quand tu dis « je travaille en finance », tu as ceux qui vont comprendre que tu travailles en direction financière et les autres qui vont te voir dans une salle de marché ou dans les banques. Sauf que ce n’est pas le même métier et ça ne veut pas dire la même chose. Les gens ont stéréotypé tout ça en disant que les personnes travaillant dans la finance sont intéressées uniquement par l’argent et qu’ils gagnent très bien leur vie.
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C-E :Et ce n’est plus le cas de nos jours ?
C-C : Même dans les banques d’investissement, ce n’est plus la vérité. Aujourd’hui, les traders ne gagnent plus autant d’argent, l’âge d’or est passé pour eux : la réalité du secteur n’est pas celle qu’on voit dans les films.
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C-E : J’ai pu voir sur Internet que beaucoup de gens, et encore plus la nouvelle génération, perçoivent les métiers de la finance comme des jobs ennuyeux. Qu’en penses-tu ?
C-C : C’est vrai que les métiers de la comptabilité ont pris un coup. Bien sûr qu’il y a des aspects contraignants, comme les nouvelles normes comptables à respecter, mais dans chaque job, tu trouveras quelques trucs embêtants. Cela étant, il faut regarder les choses sous un autre angle : il est gratifiant de travailler dans la finance. Tu te sens utile quand tu fais gagner de l’argent à ton entreprise, du moins, quand tu l’as fait économiser.
En fait, c’est un secteur d’activité qui mérite d’être revalorisé au vu de son importance actuelle. Il y a gros travail à faire sur les mentalités : il faut que les gens se rendent compte de l’utilité de la fonction finance et qu’on ne fait pas tout ça pour mettre des bâtons dans les roues aux autres services.
Le vrai problème réside dans le fait que dans la société actuelle, les gens n’ont pas connaissance de ce qu’on fait concrètement dans la finance : c’est donc pour cela que c’est barbant pour beaucoup. C’est la culture financière qui doit changer et les mentalités suivront. Alors pour nous, financiers d’ici et d’ailleurs, il ne reste plus qu’à croiser les doigts !
Antoine Thomas
Co-Efficience est un cabinet de recrutement basé à Lyon et Paris spécialisé dans les métiers du commerce, de l’ingénierie et de la finance : « Le recrutement autrement ». Suivez toutes nos actualités sur nos différents réseaux sociaux LinkedIn, YouTube et Instagram.